Bon, on a brossé rapidement les évènements politiques, ceux qui font la grande Histoire, grands traités internationaux, coups d'Etat, proclamations de retour à la République, crise mondiale, déclarations de guerre, mais cela laisse à peine deviner ce qui a été enduré par la population grecque en cet 'Entre deux guerres' qui n'avait rien des 'Années Folles' parisiennes ou des 'Roaring Twenties' de Londres.
Après la Grande Catastrophe d'Asie Mineure en 1922, plus d'un million et demi de réfugiés sont venus s'installer en Grèce, soit une augmentation brutale de près d'un quart de la population au niveau national. La répartition n'étant pas uniforme, certaines régions du nord de la Grèce ont vu arriver l'équivalent de 50% d'habitants supplémentaires, à loger dans des camps de fortune, le temps qu'une solution plus pérenne soit à leur portée. Des quartiers entiers de Thessalonique (Neapolis - "ville nouvelle", Kalamaria) et d'Athènes (Nea Ionia - "nouvelle Ionie", Nea Smirni - "nouvelle Smyrne") sortent de terre en quelques années pour les héberger.
Ces réfugiés n'étaient pas tous de pauvres paysans, loin de là. Dans leur lieu d'origine, ils faisaient aussi partie des notables, artisans, commerçants, professions libérales. Après une période d'adaptation forcée, ils ont petit à petit relancé leur activité, de sorte que ces nouveaux quartiers se sont transformés en centres économiques actifs dans les années trente.
Mais l'influence a aussi été remarquable dans ses apports culturels : les réfugiés ont amené avec eux leur cuisine et l'art des épices, leurs mots teintés d'Orient, leur musique aux mélopées nostalgiques, leurs chansons pour tenir face à l'adversité.
Toute une génération d'écrivains, poètes, peintres se nourrira de ce foisonnement et formera la 'Génération des années 30', dont nos deux prix Nobel Odysseas Elytis et Giorgos Seferis.
De ce creuset est aussi né un nouveau genre musical, entièrement original, qui plus tard, avec ses lettres de noblesse, prit le nom de Rebetiko.
Souvent comparé à un 'Blues grec', il s'agit d'un véritable mouvement de résistance par la musique.
Résistance aux normes sociales et religieuses qui interdisent l'oisiveté, l'usage des drogues douces et l'amour libre.
Résistance à la dureté du quotidien.
Résistance aux autorités de Metaxas qui incarnent les forces de répression.
Résistance aux envahisseurs nazis par la suite.
Les chansons ont souvent été interdites, les auteurs souvent embastillés, ce qui rajouta à leur prestige et à leur audience. Un culte du 'mangas', sorte de caïd admiré se développa, avec ses codes d'honneur et de respect bien virils et méditerranéens.
Markos Vamvakaris, Manolis Chiotis, Vassilis Tsitsanis sont parmi les auteurs les plus connus du Rebetiko.