Ceux qui se sont un peu intéressés à la Grèce ont sans nul doute pu apprécier les apports tout sauf marginaux de la langue grecque au français. On pense bien sûr à la médecine (ophtalmo, pédiatrie, kiné, gynéco...), à la religion (orthodoxie, catholicisme, polythéisme, la Bible...), la philosophie, et aux sciences en général. (Je me souviens encore de cette colle dans l'émission Questions pour un champion ": qu'est ce qu'un mermygologue ??")
On pense moins aux mots beaucoup plus courants que sont le téléphone, le cinéma, le théâtre, la photo, le kilo, le taxi, l'athlète, le pneu, le zoo, le stylo ou, plus évocateurs encore : chaos, echo, barbare, psyché, mythe, érotique, poésie, galaxie, pharamyneux (non, là je plaisante évidemment)...
Contrairement aux apports de l'anglais, ceux du grec sont tellement anciens et diffus qu'ils n'ont jamais fait débat en France. Ils sont juste un peu moins 'branchés' !
Qu'en est-il de la place du français dans la langue grecque ? Je ne suis pas linguiste, et je n'ai pas la prétention de dresser un catalogue exhaustif, ni de savoir faire précisément la différence entre les riches apports du latin, et ceux, spéciquement français. Mais une chose est sûre, depuis le commencement de l'histoire de France, les contacts ont été fréquents. Bon, de l'époque franque, on n'a pas gardé un grand souvenir : des envahisseurs qui se mêlaient aux Gênois et Vénitiens pour dépecer l'Empire Byzantin moribond.
La Révolution, l'Empire, et plus encore, la Belle Epoque ont par contre étourdi de leurs feux le jeune Etat Grec qui sortait à peine de sa longue torpeur Ottomane. Les Grecs ont alors adopté tels quels mots et expressions qui fusaient de la Ville Lumière... Je précise que tous les exemples qui suivent sont actuels et utilisés de manière courante.
Prenons l'univers (pour ne pas répeter galaxie) de la beauté féminine et de l'hygiène corporelle : μακιγiαζ (maquillage), νεσεσερ (nécessaire - de beauté !), σαμπουαν (shampooing, qui n'existe pas tel quel en anglais et est bien français !), ντουζ (douche), καλσον (caleçon - qui en fait désigne les collants !), κολιε (collier), σουτιεν (soutien... gorge évidemment), περμαναντ (permanente), φο μπιζου (faux bijoux), κασκολ ('cache col', quand l'écharpe couvrait de beaux chemisiers) sont quelques exemples d'emprunts quasi phonétiques.
D'autres mots évoquent les bonnes manières et les objets d'intérieur: σαβουαρ βιβρ (savoir vivre), πορτ μαvτο (porte manteaux), αμπαζουρ (abat-jour), σουπλα (sous-plat), καλοριφερ ('calorifère' - sans doute le nom des premiers chauffages quand le gaz montait à 'tous les étages')....
L'automobile reste une valeur sûre, avec les indétronables καρμπιρατερ (carburateur) et καπο (capot), le très légèrement modifié ζαvτα (jante), le très populaire ρουλεμαv (roulement... à bille !), le surprenant πορτ μπαγκαζ ('porte bagages' - relique d'une époque où les coffres de voitures ne fermaient pas), et le beaucoup plus déroutant βουλκαvιζατερ ('vulcanisateur', où l'on apprend que "l'atelier de vulcanisation" est l'ancienne désignation de l'atelier de réparation des pneus...).
La peinture a aussi laissé des traces indélébiles : μπλε (bleu), μοβ (mauve), ροζ (rose) sont peut être un héritage d'émotions impressionistes.
Enfin, l'inévitable gastronomie : σεφ (chef), μετρ (maitre... d'hôtel), σου (chou), α λα κρεμ (à la crème !), εκλαιρ (éclair... au chocolat), s'invitent toujours dans les adresses un peu huppées. Quant au κρουασαv (le croissant bien sûr), il est tellement rentré dans les moeurs que nos futés industriels de l'agro-alimentaire ont flairé la bonne affaire en le remplissant de grasses garnitures colorées et en l'emballant sous plastique afin d'en inonder le marché local mais aussi international (les Balkans et la Roumanie en ont fait les frais).
Voilà pour un traitement parfaitement subjectif et partiel du sujet.
Que doit on en conclure ? Tentons une ouverture géopolitique : et si les plus beaux succès et atouts de ce grand pays qu'est la France ne se résumaient pas aux exportations d'Airbus et de spiritueux ?